Voici enfin le moment de présenter le dernier cas, le vocatif (V en abrégé). Il s'agit du cas le moins utilisé, c'est pouquoi je le présente en dernier.
On l'utilise surtout pour appeler quelqu'un ou lorsqu'on s'adresse à quelqu'un. Il n'a pas de forme plurielle spécifique, par conséquent le vocatif est le même que le cas nominatif au pluriel. Voici ses terminaisons au singulier :
Genre du nom (N)
V
noms au -a (≈ fém.)
-a → -o -ica → -ice
(ou : pas de changement)
noms neutres (≈ in -o, -e)
= N
noms masc. pas en -a
ajouter -e (some -u)
fém. pas en -a (e.g. noć)
ajouter -i
Ce cas est généralement utilisé lorsque vous vous adressez à quelqu'un en utilisant son nom ou son titre, souvent avec un verbe à l'impératif ou une formule de politesse, comme :
Hvala Vam, profesore.Merci, professeur.
Molim Vas, dođite, doktore.S'il vous plaît, par ici, docteur.
Izvolite, gospodine.Voilà, monsieur.
Dobar dan, gospođo.Bonjour, madame.
Cependant, avec le nom de la personne, on utilise davantage uniquement le nominatif à la place du vocatif, en particulier pour les noms se terminant par -a :
Hvala ti, Ana.Merci, Ana.
On utilise le vocatif pour les noms féminins que dans des expressions formelles, par exemple pour prier (religion catholique) :
Zdravo, Marijo...Je vous salue, Marie...
Pour les noms masculins se terminant par une voyelle (qu'ils suivent la règle des noms se terminant par -a ou non), il n'y a pas de changement :
Dođi, Kruno.Viens ici, Kruno.
Dođi, Marko.Viens ici, Marko.
La terminaison -e pour les noms masculins se terminant par une consonne provoque un changement de consonne k → č, g → ž, h → š :
Si un nom masc. se termine par une consonne propre à la langue croate, il prend un -u au vocatif :
kraljroi →
kralju mužmari →
mužu prijateljami (m) →
prijatelju
Cependant, si un nom masc. se termine par c, il prend -e, et la lettre c se change en č :
princprince →
prinče
Pour les noms se terminant par -ica, leur vocatif est en -ice :
kraljicareine →
kraljice prijateljicaamie →
prijateljice
Cela concerne en général quelques prénoms féminins et masculins se terminant par -ica, comme Anica (f) et Ivica (m) :
Hvala ti, Anice.Merci, Anica.
Izvoli, Ivice.Voilà, Ivica.
Pour vous aider à identifier les vocatifs lors de l'apprentissage, ils seront indiqués en bleu foncé . Il suffira de placer votre curseur sur une phrase d'exemple, ou sur l'écran tactile, comme pour tous les autres cas.
Il n'existe pas de forme vocative propre aux adjectifs, si ce n'est pour le masculin singulier qui prend un -i (sauf, bien sûr, pour un pronom possessif comme moj etc, qui ne prennent jamais de -i).
En croate, normalement l'adjectif précède le nom (moj prijatelj) mais au cas vocatif, il est courant d'inverser cet ordre (prijatelju moj), en particulier dans la poésie ou les chansons où vous rencontrerez très souvent :
ljubavi mojaoh, mon amour
Pour commencer une lettre ou un email, on emploie toujours le cas vocatif. On les présente sous la forme suivante :
dragi poštovani
+
gospodine (+ nom propre) gospođo (+ nom propre)
nom au V
Les termes gospodinmonsieur et gospođamadame sont souvent écrits sous leur forme abrégée :
gospodinmonsieur = g. / gosp. gospođamadame = gđa
Pour le terme gospođicamademoiselle, parfois abrégé en gđica. Les abréviations gđa et gđica se déclinent comme des noms, soit V = gđo, A = gđu, etc. Il n'y a pas de point (.) après gđa et gđica.
Par exemple, on pourrait commencer une lettre par l'un des éléments suivants :
Dragi Ivane,...
Poštovana gospođo Jurić,...
Poštovani g. Horvat,...
Poštovana gđo Jurić,...
Les trois dernières formules sont formelles et ne sont employées uniquement lorsqu'on s'adresse directement à quelqu'un, soit à l'écrit, soit dans une situation formelle.
Par exemple, en français, nous pouvons lire des expressions du type nous avons discuté avec monsieur Dupont... et ainsi de suite. En croate, les personnes seront désignées uniquement par leur nom de famille ou leur nom complet sauf si la personne occupe une fonction ou un poste important (président, ministre...) qui sera indiqué.
Les termes comme gospodin étant considérés comme formels, ils ne sont jamais utilisés par les enfants. Dans les livres d'enfants, les noms des personnages seront cités par Grand Ours, Mon cher Tigre mais jamais par Monsieur Ours... ou Monsieur Tigre. Cela vaut également pour des parents ou adultes parlant à des enfants d'autres adultes ; jamais ils n'utiliseront le terme gospodin, ce qui est tout à fait contraire aux règles de politesse en France.
Les enfants utilisent des termes spécifiques pour s'adresser aux adultes qui ne font pas partie de leur famille :
Titles used by children
teta
‘madame’
striček (NW, y compris Zagreb) barba (côte dalmate, sauf Dubrovnik) dundo (Dubrovnik) čiko (A -u) (autre possibilité) striko (A -u) (autre possibilité)
‘monsieur’
Les mots sont les mêmes que ceux qui désignent les proches dans la famille, et les mots varient selon les régions.
Dans ce cas particulier, ce sont les mêmes usages qu'en France, les enfants utiliseront généralement le titre + le prénom, par exemple, ils appelleront leur institutrice de maternelle teta Ana que les adultes désigneront de la même manière, lorsqu'ils s'adresseront à leurs enfants comme tatie Ana.
Rappelons-nous : Les mots formels gospodin et gospođa sont utilisés uniquement lorsque les adultes s'adressent directement à quelqu'un, que ce soit à l'oral ou à l'écrit. Ils ne sont pas utilisés lorsqu'on parle de quelqu'un.
Aujourd'hui, il n'existe plus de formes vocatives spécifiques pour les relations de parenté, et on emploie le nominatif :
mamamaman tatapapa
tetatante bakagrand-mère
Les termes suivants ont des formes vocatives:
otac (oc-) père →
oče majkamère →
majko
Enfin, lorsque l'on souhaite conclure une lettre ou un email, il est courant d'utiliser les expressions suivantes :
S poštovanjem,
Pozdrav,
Lijep pozdrav,
Suivi du nom complet (et de la fonction) de l'expéditeur. La ligne Lijep pozdrav est de plus en plus courante, et familièrement abrégée en lp ou LP.
Mladen Grdović est un chanteur et auteur de chansons populaires (souvent ringardes) originaire de Zadar, qui a rapidement gagné en popularité dans les années 1990's avec une série de chansons faciles à écouter dans la plus pure tradition populaire dalmate. Cette chanson, Samo ti, DalmacijoSeulement toi, ô Dalmatie, est l'un de ses premiers succès ; il l'a interprétée en duo avec un membre de sa famille et collaborateur fréquent Josip Matešić, surnommé Bepo.
Son titre contient déjà une forme vocative de DalmacijaDalmatie (notez que la chanson utilise l'accent standard, mais que que l'accent est "occidental" et que'à Zadar c'est un peu un mélange des deux). On retrouve quelques formes ikaviennes dans cette chanson, mais elle est globalement assez proche du croate standard.
Comme dans la plupart de ses autres chansons, la structure est simple : après une brève introduction, il y a un refrain entraînant qui se répète plusieurs fois :
Za tebe smo ariju pisali, dušo
Nous avons écrit une chanson pour toi, ma chère {locuteurs}
sva blaga[što Bogti je darovao]
Tous les trésors [que Dieu t'a offert comme présent]
iz kamenanama si procvala, ružo
De la pierre, tu as fleuri pour nous, oh rose {à qqch au fém.}
samo ti, samo ti, samo ti, Dalmacijo
Seulement toi, seulement toi, seulement toi, oh Dalmatie
Presque chaque ligne se termine par un vocatif. Le terme duša signifie littéralement âme, mais correspond ici plutôt à une conclusion du vocatif comme on le ferait en français avec bien aimé, cher. Le terme arija résume à lui seul, ce qu'est cette chanson, une chansonnette légère, un petit air presque d'opérette.
La deuxième ligne comporte une proposition relative commençant par što. La troisième ligne contient un verbe inchoatif procvasti (procvate) commencer à fleurir (un autre verbe équivalent est procvjetati ; celui-ci est un peu plus poétique). Il est vrai de dire qu'en Dalmatie, les fleurs poussent souvent sur les rochers, et une grande partie de région est un paysage rocheux et accidenté.
Dans le vers suivant, ils n'hésitent pas à inclure une partie d'une prière chrétienne :
O more, moreti pričaj mi o ljubavi
O mer, mer, parle-moi d'amour
o kraju[di su mojinajdražidrag]
sur la terre [où sont mes plus chers]
na vikevikova, živit će Dalmacija
Pour les siècles des siècles, la Dalmatie vivra
u imeOca, Sina i Duha Svetoga
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit
(Mladen Grdović & Marina Anđelković)
Les mots moremer et titu ont la même forme au N et au V, donc leur mise en évidence est surtour liée à ce que je pense de leur utilisation ici.
Dans la deuxième ligne, le substantif kraj correspond à région cotière, bout de terre, auquel on se sent en quelque sorte relié qui nous est familier. Pour la plupart des gens, rodni kraj signifie le lieu où ils ont grandi et qu'ils connaissent depuis l'enfance. Cela peut faire référence à une ville, aux abords de la ville, d'un village, d'une île... La proposition suivante commence par di, qui correspond à gdjeOù sous une forme variée ikavienne et plus largement familière.
la 3e ligne contient le terme ikavien vik de vijek (N-plvjekovi) âge. Il a aussi le sens de siècle (assez courant en Bosnie) mais souvent il signifie âge (ainsi srednji vijek correspond à Moyen Âge) mais seulement pour indiquer une période de l'histoire supérieure à un siècle. L'expression quelque peu désuète na vijeke vjekova signifie pour toujours et à jamais. Le terme ikavien živit est construit à partir de l'infživjetivivre.
La dernière ligne reprend une phrase du "Je vous salue Marie", prière catholique. L'ordre nom-adjectif est inversé pour la rime, mais cela donne aussi un sentiment plus formel et archaïque.
Vous pouvez le regarder sur YouTube™.
Il s'agit du titre original au festival Melodije hrvatskog JadranaMelodies de l'Adriatique croate en 1996 (Grdović est le gars en costume blanc) :
Les paroles de cette chanson expriment peut-être un peu trop pour vous la ferveur des Dalmates pour leur région mais il faut la resituer dans son contexte. Elle a été interprétée pour la première fois à Split, la plus grande ville de Dalmatie (et la deuxième plus grande ville de Croatie) un an après Guerre_de_Croatie, guerre au cours de laquelle la Dalmatie fut presque coupée du reste de la Croatie (la seule route passait par le Pont de Pag avec une ligne de ferry reliant l'île de Pag au continent ; toutes deux étaient de temps à autre fermées). Ce pont de 301 mètres de long, d'une hauteur de 35 mètres au-dessus du détroit de Ljubačka vrataporte de Ljubač) a été inauguré en 1968, contribuant à la transformation de la vie sur l'île de Page et de ses habitants. Le tourisme, principale source de revenus en Dalmatie pour beaucoup, fut anéanti. Les coupures de courant étaient fréquentes. La reprise fut lente et certaines régions de la Croatie ne s'en sont jamais remises.
Il existe également une longue tradition de fierté locale en Dalmatie, la province historique la plus méridionale de Croatie, probablement beaucoup plus connue dans le monde que la Croatie - la Dalmatie est d'ailleurs mentionnée dans la Bible - bien qu'elle compte moins d'un million d'habitants. D'autres chansons dalmates pourraient être l'hymne national de Dalmatie, écrites bien avant celle-ci. L'identité culturelle de la Dalmatie a toujours été très marquée durant des siècles, par ses liens culturels forts avec la république de Venise (qui l'a gouvernée durant 4 siècles comme colonie vénitienne) puis avec l'Italie - la ville de Zadar entretenait des liens commerciaux puissants Zadar et son histoire - ce qui explique aussi pourquoi cette chanson ressemble à une opérette italienne.
Grdović a continué à écrire le même style de chansons, comme celle-ci DalmatinacDalmatien, avec le refrain Je suis Dalmatien / C'est ma maison avant de perdre en popularité, et qu'il ne commence à être plus connu pour ses frasques dues à la consommation d'alcool.
La Dalmatie est plus traditionnelle et beaucoup plus catholique (comme on peut le voir dans cette chanson) que les régions de l'Adriatique nord de Croatie, faussement similaires (c'est-à-dire la Rijeka et l'Istrie). Il existe des différences culturelles frappantes entre ces deux régions de la côte croate - par exemple, une chanson sur l'Istrie comportant une prière catholique serait presqu'impensable. Le chanteur le plus populaire de Rijeka est Damir Urban, un chanteur rock au crâne rasé qui chante souvent pieds nus et vétu de robes noires ; aucune comparaison possible entre lui et Grdović. J'expliquerai d'autres différences dans les chapitres suivants.
Voici une autre anecdote intéressante : Grdović, un parent Matešić, le très populaire Tomislav Ivčić, son demi-frère Đani Maršan et un nombre inhabituel de différents chanteurs sont issus d'un quartier de Zadar appelé Arbanasi. Le terme Arbanas est un ancien mot pour désigner un Albanais : ce quartier est un ancien village où se sont installés, au début du 18e siècle, les habitants de la région située entre le lac Skadar et la mer. La plupart des colons parlaient Albanais ; aujourd'hui encore, certaines personnes âgées du quartier Arbanasi parlent un dialecte albanais particulier (avec beaucoup de mots croates, vénitiens et italiens, bien sûr), bien que la plupart se soient assimilés depuis longtemps ( se considérant tous comme de purs Croates).
5Croate facile: 72 Appeler, s'adresser : Cas Vocatif
N A DL G 24 I V Voici enfin le moment de présenter le dernier cas, le vocatif (V en abrégé). Il s'agit du cas le moins ut...
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